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Conséquences et répercussions du régime Khmer rouge : performance, engagement social et traumatisme comme héritages de la violence. Cheryl Yin, Lina Chhun et Linda Chhath

Conséquences et répercussions du régime Khmer rouge : performance, engagement social et traumatisme comme héritages de la violence. Une conférence présentée par  Cheryl Yin, Lina Chhun et Linda Chhath

L’idéologie du langage communiste: le langage communiste des Khmers Rouges en action, par Cheryl Yin

Traditionnellement, la culture cambodgienne est caractérisée par de fortes valeurs hiérarchiques. Respect et révérence forment un devoir des « subalternes » autant qu’une attente de la part des supérieurs. Ce sens de la hiérarchie se retrouve dans la langue khmère à travers son registre honorifique élaboré. Lorsque les Khmers rouges ont pris le pouvoir en 1975, leur idéologie communiste égalitaire s’est trouvée en conflit direct avec ce sens linguistique et social de la hiérarchie. Les Khmers rouges ont alors cherché à modifier la culture cambodgienne et la langue khmère afin d’aplanir la hiérarchie et d’abolir les classes sociales. Ma communication explorera les politiques de la langue des Khmers rouges, à partir du corpus littéraire suivant :

-       nationalisme et construction (en quoi le langage joue un rôle dans la formation nouvelle des états-nations ?)

-       la standardisation linguistique (pourquoi les Khmers rouges ont jugé nécessaire de modifier et de standardiser la langue khmère ?)

-       la réalité pragmatique du langage (les Cambodgiens ont-ils réellement mis en pratique ces nouvelles politiques linguistiques ou les ont-ils plutôt employé pour survivre ?)

Dans le cadre de cette communication, je ne traiterai que du troisième axe relatif à la réalité pragmatique du langage. Les cambodgiens ont-ils « joué » leur survie « en coulisse » ou « sur scène » ? Retiraient-ils leur « masque » dans leur intimité ? Je défends le propos selon lequel le caractère performatif du langage a permis aux Cambodgiens de feindre une conformité au régime, et qu’ils employaient le langage communiste qu’on leur imposait sans pour autant y adhérer. La parole a constitué un outil qui leur a permis de survivre et d’accéder à des ressources (nourriture, bétail, etc.).

Cheryl Yin :

Diplômée en anthropologie et linguistique de l’Université Pitzer à Claremont en Californie (2007), Cheryl Yin est doctorante en anthropologie linguistique à l’Université du Michigan, Ann Arbor, où elle a également obtenu son Master en anthropologie linguistique (2014). Cheryl mène actuellement ses recherches doctorales sur l’égalitarisme linguistique qui fut rendu obligatoire sous le régime Khmer Rouge au Cambodge entre 1975 et 1979, ainsi que sur l’impact que ces changements ont pu avoir sur les usages linguistiques quotidiens, notamment d’ordre honorifique, après la chute du Régime en 1979.

"Sa thèse de recherche est gracieusement financé par le Fulbright IIE, le Centre d'études khmères, et le Centre pour l'éducation des femmes à l'Université du Michigan."

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 Maha Ghosananda: la pratique du Dharma pour un Monde de Paix, par Linda Chhath

Maha Ghosananda, qui avait quitté le Cambodge en 1953 pour y poursuivre sa formation religieuse, fait partie de la minorité des bonzes érudits qui a survécu aux Khmers rouges. Au début des années 1980, il a proposé un modèle bouddhique de pensée et de conduite à travers un travail social de reconstruction, afin de faire face à la situation désastreuse dans laquelle se trouvait le pays tant au niveau local qu’international. Cette communication proposera une analyse du sens sous-jacent aux textes et actions de Maha Ghosananda, en montrant que ses enseignements d’une éthique de l’engagement social s’adressaient à un public khmer qui avait « survécu » mais qui continuait de souffrir de profondes cicatrices sociales, mentales et corporelles

Linda Chhath

Diplômée en sciences de l’Asie du Sud-Est (Université du Wisconsin) ainsi qu’en histoire et anthropologie (Université de Californie, Santa Cruz), Linda Chhath est doctorante au département des Langues et Cultures d’Asie à l’Université du Wisconsin. Ses recherches doctorales portent sur les expressions éthiques du bouddhisme, sur les mouvements sociaux nationaux et cosmopolites dans le contexte post-colonial et « tiers-mondiste » de construction de la nation, et tenant compte des tensions liées à la Guerre Froide.

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Relectures féministes et archives émotionnelles: deux registres pour penser les traumatismes historiques, par Lina Chhun

Selon les théories cliniques du traumatisme, les différents types de silences sont interprétés comme pathologiques, comme des obstacles au processus thérapeutique et de résilience. Les symptômes et expériences psychosomatiques sont diagnostiqués comme des troubles, comme des façons « mensongères » employées par les femmes pour parler de leur corps. Les récits de violence et de traumatisme sont réduits à d’étroites catégories d’expérience, sous l’effet d’une demande de construction d’« identités émancipées » fondée sur la nécessité de rompre ces silences pathologiques. Ces discours tant cliniques que libéraux – particulièrement diffusés aux Etats-Unis – ont largement contribué à définir les catégories de la violence individuelle et inter-personnelles, de même que les expériences historiques et collectives de la violence.

Cette communication se propose comme une analyse féministe de la violence, du silence et des pathologies. A partir d’une analyse de récits recueillis dans des familles et d’un point de vue féministe, je proposerai une relecture des « archives émotionnelles » relatives aux troubles psychosomatiques et « fantomatiques » conséquents du régime Khmer Rouge. Reprenant le concept de « temps palimpsestique » de Jacqui Alexander et Veena Das, cette communication cherchera à mettre en valeur le potentiel d’une telle relecture afin d’enrichir le débat relatif à la prise en charge des souffrances liées à la violence historique.

 Lina Chhun

Diplômée en Gender Studies asiatiques et américaines (Université de Californie, Los Angeles), en psychologie sociale (Université de Californie, Santa Cruz) et en Psychologie et Sciences féministes (Université de Californie, Davis), Lina Chhun est doctorante au Département de Gender Studies de l’Université de Californie, Los Angeles. Ses recherches portent sur les question de mémoire, de médiation, de mise en récit, autrement dit de production historique dans une société tout juste sortie d’un régime de violence, avec un intérêt particulier voué aux processus d’inscription des traumatismes historiques relatifs au génocide cambodgien des années 1975-1979.